Le Conte des deux lutins
- luluezaza
- 24 avr.
- 3 min de lecture

"Il était une fois, au creux d’une forêt enchantée, un village que seuls les cœurs attentifs savaient encore voir.
Là vivaient deux lutins. Deux âmes voisines, mais d’essence bien différentes : Grigri et Saul.
Grigri, le rouspéteur au bonnet de travers, traînait ses jours comme un vieux sac.
Il grognait contre la pluie, râlait contre le vent, boudait les feuilles mortes et les chansons du matin.
Les corvées passaient devant lui comme les nuages : il les regardait, mais ne s’y arrêtait pas.
Un jour, pourtant, il ramassa une brindille tombée.
Un autre, il souffla un “merci” timide à une grand-mère lutinette.
Et ce fut comme si la lune elle-même l’avait béni.
— “Regardez Grigri ! Quel progrès !”
Les anciens applaudirent. Les enfants dansèrent. Le banc du soleil lui fut offert pour la pause. Quel événement !
Saul, lui, tissait l’invisible.
Il veillait aux lanternes avant que la nuit ne tombe.
Cueillait des herbes pour les douleurs qu’on ne disait pas.
Recousait les trous du quotidien, et les silences du chagrin.
Il avait le cœur en bandoulière, toujours prêt à servir, à répondre aux besoins...
Mais à force d’être partout, il devint invisible.
On disait de lui :
— “C’est Saul. Il est comme ça. Il assure.”
Et les remerciements glissaient sur lui comme l’eau sur l'écorce.
Un matin, il ne balaya pas la place.
Un oubli. Un seul.
Son cœur était lourd, ses gestes muets. Il avait mis son sourire à sécher, quelque part, loin de tous, sans bruit.
Alors on parla.
— “Tiens ? Saul ne fait plus ce qu’il faisait…”
— “Il change… C’est dommage.”
— “Il aurait pu faire un effort.”
— “Je ne le reconnais pas, ce n'est pas lui !"
Ce jour-là, Grigri fabriqua un bouton de fleur.
Un simple bouton.
Et on le célébra comme un roi créateur.
Saul, lui, sentit ce jour-là quelque chose se froisser sous sa poitrine.
Comme un fil qui casse dans un tissage.
Un soupir qu’on garde pour soi.
Cette nuit-là, il grimpa sur la colline, seul, et s’allongea sous le ciel demandant le soutien aux étoiles.
La lune descendit doucement, s’approcha de lui comme une vieille amie.
— “Tu portes tant, Saul.”
— “Mais si je ne porte pas, qui portera ?”
— “Et si tu déposais, un instant ?
Ceux qui ne voient que ce que tu ne fais plus…
voient-ils ce que tu faisais, quand tu faisais tout ?”
Saul ferma les yeux.
Et pour la première fois, il ne fit rien.
Rien du tout.
Le village, au début, tituba un peu.
Les lanternes restèrent éteintes. Les fleurs, non cueillies.
Certains s’agaçaient. D’autres commencèrent à regarder différemment.
Et un matin, Saul redescendit.
Un peu plus lent mais un peu plus vrai.
Il retrouva ses gestes, mais plus jamais au détriment de son souffle.
Il reçut quelques mercis. Des silences gênés. Un ou deux pardons.
Et aussi du rejet — car il n’est jamais facile d’admettre qu’un cœur fatigué ait tant porté dans l’ombre."
Ce conte n’est pas qu’un murmure de forêt enchantée.
Il est une vérité aigre-douce.
Il parle de toi, peut-être.
Toi qui donnes sans compter, jusqu’à t’oublier.
Toi qu’on ne remercie qu’à l’instant où tu cesses.
Toi qui applaudis les petits pas des autres, mais oublies d’honorer tes propres marathons.
Ou peut-être de toi, qui ne fais que peu, mais qui apprends.
Et c’est déjà immense.
Alors, aujourd'hui…
Pose-toi.
Dépose.
Et laisse-toi être.
Jai écrit ce conte, un soir d'insomnie, car j'avais envie de célébrer, d'honorer, d'envoyer de l'amour, du soutien, et de remercier tous les Saul qui liront ce texte...
Avec mon Amour et ma Foi,
Lucie
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